Doctrine Juridique |
Windows & Internet : Que peut-on conseiller à ceux de nos lecteurs qui voient leur e-réputation entachée par des informations les concernant disponibles sur l’internet, certes parfois exactes, mais trop anciennes pour demeurer pertinentes à leur égard ?
Frédéric Guénin : Cette question est d’actualité. Le 13 mai 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de donner gain de cause à un citoyen espagnol qui s’était plaint en 2010 du fait qu’apparaissaient sur Google des liens vers le site web d’un journal local qui reproduisait une annonce le concernant pour une vente aux enchères immobilière liée à une saisie pratiquée en recouvrement de dettes de sécurité sociale.
Cette décision illustre à quel point il n’est guère avantageux de « faire jurisprudence » puisque ce citoyen espagnol dispose à présent d’une publicité renouvelée – et au niveau européen – par cette affaire : en effet, la CJUE publie son nom sur son site !
Sur le plan du droit, la CJUE a d’abord considéré que les moteurs de recherche comme Google étaient bien des « responsables de traitement » puisque ce sont bien eux qui déterminent les finalités et les moyens des traitements qu’ils organisent. En effet, le fait de permettre aux internautes d’accéder à des informations sur une personne, suppose d’avoir collecté, enregistré et organisé les données à caractère personnel relatives à cette personne.
La CJUE indique notamment que « compte tenu de la facilité avec laquelle des informations publiées sur un site web peuvent être répliquées sur d’autres sites et du fait que les responsables de leur publication ne sont pas toujours soumis à la législation de l’Union, une protection efficace et complète des personnes concernées ne pourrait être réalisée si celles-ci devaient d’abord ou en parallèle obtenir l’effacement des informations les concernant auprès des éditeurs de sites web ».
Elle décide donc que Google « est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne, également dans l’hypothèse où ce nom ou ces informations ne sont pas effacés préalablement ou simultanément de ces pages web, et ce, le cas échéant, même lorsque leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite ».
La CJUE indique toutefois qu’il convient de confronter les intérêts de la personne concernée et ceux des internautes. En fonction de la nature de l’information, de sa sensibilité pour la vie privée de la personne ou encore du rôle joué par cette personne dans la vie publique, la demande de suppression des liens pourra être refusée.
Les premiers commentateurs exposent que la CJUE consacre le « droit à l’oubli ». Mais, notamment fondée sur les droits d’opposition légitime et d’effacement, cette décision consacre un droit à l’oubli tout à fait sélectif puisqu’il ne concerne que les moteurs de recherche.
Maître Frédéric Guénin, est avocat au sein du département Propriété intellectuelle & Technologies de l’information du Cabinet Hoche Société d’avocats.
Article publié pour la première fois dans la revue Windows & Internet, n°18, juillet 2014
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