Doctrine Juridique |
L’ordonnance du 16 juin 2005 (n°2005-674) relative à l’accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique est récemment venue compléter les dispositions du Code civil qui aménagent depuis juin 2004 la conclusion d’un contrat sous forme électronique (art. 1369-4 à 1369-6). Ces dispositions ont été adoptées pour transposer en droit français la directive du 8 juin 2000 (2000/31/CE) relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique.
Dans leur ensemble, ces dispositions ont pour objet de fixer les conditions de l’échange des consentements des parties quand le contrat est conclu sous forme électronique, quelle que soit la qualité des parties contractantes (consommateur ou professionnel) et de rendre efficace l’accomplissement sous forme électronique d’un certain nombre de communications ou formalités qui concourent à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat conclu sous cette forme.
L’article 1369-1 C. civ. valide le recours à la voie électronique pour mettre à disposition des conditions contractuelles (conditions de vente ou d’achat) ou des informations sur des biens ou des services (description, prix etc.). Un contractant peut désormais exécuter son obligation d’information précontractuelle en mettant cette information à la disposition de son partenaire par voie électronique.
La mise à disposition est effective lorsque le destinataire peut en prendre connaissance, c’est à dire lorsque les conditions ou informations lui sont accessibles par voie électronique sur un site web par exemple (peu importe qu’il en ait pris effectivement connaissance).
S’agissant de l’usage du courrier électronique, les nouvelles dispositions du Code civil distinguent selon que le destinataire est, ou non, un professionnel.
Lorsqu’un professionnel communique son adresse électronique, toutes les informations qui lui sont destinées – notamment toutes celles relatives à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat – peuvent lui être transmises à cette adresse, par voie électronique. Lorsque des informations destinées à un professionnel doivent figurer sur un formulaire, ce dernier doit mettre le formulaire à disposition de celui qui doit le remplir (réservation, commande en ligne de biens ou de services, etc.).
Lorsque le destinataire n’est pas un professionnel, la conclusion d’un accord sur l’emploi du courrier électronique est un préalable à l’utilisation de ce mode de communication.
Dans tous les cas (c’est à dire que les informations soient destinées à un professionnel ou non), si le destinataire de ces informations a accepté l’usage du courrier électronique, ce mode de communication peut être utilisé pour transmettre les informations demandées en vue de la conclusion d’un contrat et celles relatives à l’exécution d’un contrat.
Si le contrat est à exécution successive, cela implique que les parties fassent le nécessaire pour faire connaître à leur partenaire leurs éventuels changements d’adresse email. Pour les entreprises, un problème pourra se poser en raison de l’usage courant qui est d’attribuer à chaque professionnel une adresse email nominative. En effet, quand le professionnel ainsi nominativement désigné quitte l’entreprise, un nouvel email est établi au nom de quelqu’un d’autre, ce qui peut perturber la continuité de l’information. Pour certaines fonctions de l’entreprise, il serait sans doute opportun d’envisager des adresses non nominatives du type «responsable.commercial@nomdel’entreprise.fr ».
Les dispositions du Code civil relatives à la conclusion d’un contrat sous forme électronique obligent le professionnel à informer son partenaire préalablement à la conclusion du contrat, d’une part sur les modalités techniques de sa conclusion par voie électronique, et d’autre part sur les conditions contractuelles et les règles commerciales auxquelles le vendeur professionnel entend se soumettre. Ces conditions contractuelles et règles commerciales doivent être mises à la disposition du destinataire de l’offre d’une manière qui permette « leur conservation et leur reproduction ». Il faudra donc qu’elles puissent être enregistrées et imprimées.
Les conditions ainsi mises à la disposition des internautes obligeront l’offrant aussi longtemps qu’elles demeureront accessibles de son fait, ce qui veut dire que si elles ont été reproduites par un tiers (ex. : par un moteur de recherche) qui les fait figurer sur un autre site que celui de l’offrant, elles n’obligent pas ce dernier.
Les conditions qui ne sont pas mises à disposition (ou qui sont d’accès très complexe) sont en principe inopposables à l’acceptant.
Le contrat conclu au moyen d’un site web n’est pas un contrat par correspondance électronique.
Ainsi, à moins qu’il ne s’agisse de relations entre professionnels, l’offre présentée sur un site web doit énoncer :
- les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat sous forme électronique,
- les moyens techniques permettant à l’utilisateur, avant la conclusion du contrat, d’identifier les erreurs commises dans la saisie des données et de les corriger,
- les langues proposées pour la conclusion du contrat,
- en cas d’archivage du contrat, les modalités de cet archivage par l’auteur de l’offre et les conditions d’accès au contrat archivé,
- les moyens de consulter par voie électronique les règles professionnelles et commerciales auxquelles l’auteur de l’offre entend, le cas échéant, se soumettre.
Les sanctions du défaut de ces énonciations ne sont pas précisées. Ces énonciations, cependant, ne sont pas requises d’une offre présentée au moyen d’un email en vue d’un contrat par correspondance.
La conclusion du contrat sous forme électronique n’est valide que si le destinataire de l’offre a eu la possibilité :
- de vérifier le détail de sa commande, son prix total, et de corriger d’éventuelles erreurs,
- de confirmer sa commande pour exprimer son acceptation.
La commande et sa confirmation sont ainsi réalisées, sur un site web, par deux « clic » distincts, et seul le deuxième engage définitivement le client.
Le défaut de l’un de ces éléments lors de la formation du contrat permettrait au contractant de faire prononcer sa nullité par le juge.
Le professionnel doit sans délai injustifié accuser réception par voie électronique de la commande.
L’accusé de réception semble ne constituer qu’une formalité informative, postérieure à la conclusion du contrat électronique lequel serait alors parfait dès l’émission par le client de la confirmation de sa commande.
La commande, sa confirmation et l’accusé de réception sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès ; cette règle s’applique également aux contrats conclus par courrier électronique. Les professionnels peuvent y déroger.
Les nouvelles dispositions des articles 1369-7 à 1369-9 C. civ. valident différentes formes d’envoi ou de remise d’un écrit par voie électronique et permettent l’accomplissement de formalités sous cette forme.
Ainsi une lettre simple relative à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat peut-elle être envoyée par courrier électronique. Le procédé électronique qui rend fiable la date d’expédition apposée sur ce courrier devra répondre à des exigences qui seront précisées par décret. Cette fiabilité sera présumée jusqu’à preuve contraire.
Une lettre recommandée pourra être envoyée par courrier électronique aux mêmes fins, à la condition que ce courrier soit acheminé par un tiers selon un procédé qui identifie ce tiers, désigne l’expéditeur, garantit l’identité du destinataire et établit si le courrier lui est remis ou non. Ici encore, le procédé électronique qui rend fiable la date d’expédition ou de réception devra répondre à des exigences qui seront précisées par décret, et cette fiabilité sera présumée jusqu’à preuve contraire.
L’avis de réception pourra être adressé à l’expéditeur par voie électronique ou selon un autre dispositif lui permettant de le conserver.
La remise d’un écrit sous forme électronique est effective lorsque le destinataire, après avoir pu en prendre connaissance, en a accusé réception (cette disposition n’est pas applicable dans les cas visés par les articles 1369-1 et 1369-2 C. civ.). Lorsqu’une disposition prévoit qu’un écrit doit être lu à son destinataire, la remise d’un écrit électronique à l’intéressé dans les conditions ci-dessus vaut lecture.
Les articles 1369-9 et 1369-10 C. civ. précisent quelques règles applicables à l’écrit électronique pour répondre à certaines obligations de forme existant pour l’écrit sur support papier.
Ainsi :
- lorsque l’écrit sur support papier est soumis à des conditions particulières de lisibilité ou de présentation, l’écrit électronique doit répondre à des exigences équivalentes,
- l’exigence d’un formulaire détachable est satisfaite par un procédé électronique qui permet d’accéder au formulaire et de le renvoyer par la même voie,
- l’exigence d’un envoi en plusieurs exemplaires est réputée satisfaite sous forme électronique si l’écrit peut être imprimé par le destinataire.
Monique Bandrac, Professeur à l'Université de Paris XIII & Frédéric GUENIN, avocat
Article publié pour la première fois dans la "Lettre juridique, fiscale et sociale" - janvier 2006 - n°20
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