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Internet Pratique : Le droit de rétractation est-il systématiquement possible dès lors qu’il s’agit d’un achat en ligne ou bien cela dépend-il de la nature du bien acheté ?
Maître Frédéric Guénin : En premier lieu, il convient de préciser que, par application du Code de la consommation, le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition, en temps utile et au plus tard au moment de la livraison du bien une information sur les conditions et les modalités d’exercice de son droit de rétractation.
Il est également important de rappeler que le consommateur dispose d’un délai de sept jours francs (« francs » signifie que si le bien est reçu un mardi à 11h, le délai ne commence que le mercredi à 0h00) pour exercer son droit. Ce délai court à compter de la réception pour les biens et de l’acceptation de l’offre pour les prestations de services. Ce délai est porté à 3 mois lorsque le consommateur n’a pas reçu diverses informations dont celle relative à l’existence de son droit de rétractation.
A noter qu’un projet de loi, ayant pour objet de transposer la nouvelle directive relative aux droits des consommateurs du 25 octobre 2011, propose de porter le délai de 7 jours à 14 et celui de 3 mois à 12.
Il n’a pas à justifier les motifs qui le poussent à se rétracter. Il n’a pas à payer de pénalités. Il doit être remboursé de la totalité des sommes qu’il a versées, mais les frais de retour sont à sa charge. Il doit être remboursé dans un délai de 30 jours à compter de la date d’exercice du droit de rétractation. Au-delà, les sommes produisent intérêt au taux légal.
Ceci précisé, pour répondre à votre question, le Code de la consommation est très précis et envisage 6 cas dans lesquels le droit de rétractation ne peut être exercé, sauf accord contraire
des parties. Il s’agit des contrats :
1° De fourniture de services dont l'exécution a commencé, avec l'accord du consommateur, avant la fin du délai de sept jours francs ;
2° De fourniture de biens ou de services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier ;
3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ;
4° De fourniture d'enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu'ils ont été descellés par le consommateur ;
5° De fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines ;
6° De service de paris ou de loteries autorisés.
I.P. : Comment savoir si un site de e-commerce ne vend pas des contrefaçons ?
F.G. : C’est une question qui peut s’avérer difficile à trancher. Je dirais qu’il convient de distinguer entre deux types de sites. Ceux qui sont par nature des sites dédiés à la contrefaçon et ceux qui peuvent, de manière marginale, écouler des produits contrefaisants.
En ce qui concerne le premier type de site, un certain nombre de précautions utiles à prendre permettent de les détecter. En premier lieu, les prix pratiqués. Si les prix sont dérisoires par rapport aux prix habituels des produits concernés, c’est sans doute que cela cache autre chose qu’une excellente affaire…
En second lieu, il faut toujours s’assurer de la personne du e-commerçant et redoubler de vigilance lorsque l’on traite avec des sites web situés dans des pays hors de France et a fortiori hors de l’Union Européenne. Pour les sites français, vérifier si le site décline bien les informations obligatoires requises par la loi, telles que nom ou raison sociale, numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, numéro de TVA intracommunautaire si le professionnel y est soumis, etc.. Ces mentions sont en général présentes dans une rubrique « mentions obligatoires » ou dans les conditions générales de vente qui doivent être accessibles avant l’acte d’achat.
Il faut confronter ces informations à d’autres informations disponibles sur l’internet gratuitement, telles que sur http://www.infogreffe.fr ou http://www.societe.com. Faites également des recherches sur la réputation du cybercommerçant. En effet, les sites écoulant des produits illicites commettent le plus souvent bon nombre d’autres infractions (cession de vos données à caractère personnel, de vos données bancaires…) et mettent à disposition assez fréquemment un service clientèle inexistant ou de faible qualité (retards dans les livraisons, produits non conformes, absence de suivi…), d’autant que, le plus souvent, qui dit contrefaçon dit qualité médiocre voire très mauvaise. Les forums se feront donc vraisemblablement l’écho de l’ensemble de ces agissements et dysfonctionnements grâce aux messages laissés par de précédents consommateurs floués.
Enfin, si vous voyez des mentions du type « formule », « façon », « système », « imitation », « genre » ou « méthode » suivi de la reproduction d’une marque, c’est qu’il s’agit très vraisemblablement de contrefaçons.
En ce qui concerne le second type de sites web, leur situation n’est pas différente de celles des enseignes du commerce traditionnel, y compris des plus grandes et de celles de la grande distribution et du luxe, qui font elles-mêmes parfois l’objet de procès en contrefaçon. Dans la plupart des cas, c’est un manque de vigilance de leur part qui sera à l’origine de l’introduction dans leur gamme de produits de produits contrefaisants. Cela peut être également une erreur d’appréciation quant aux droits qu’elles tiennent par le biais de contrats.
Toujours est-il que dans ce cas, les procès ont lieu entre ces commerçants bien établis et les cyberacheteurs ne sont pas inquiétés. Les dommages et intérêts demandés sont fonction du nombre d’achats de produits contrefaisants réalisé.
I.P. : Des droits de douane ajoutés au prix annoncé par le commerçant sur son site signifient-ils que le produit n'a pas le droit d'entrer sur le territoire ?
F.G. : Au contraire, c’est le signe que le produit, dans la mesure où des droits de douane seront acquittés du fait du dédouanement, pourra entrer sur le territoire communautaire et donc français.
I.P. : Puis-je acheter de l'alcool de marque ou des cartouches de cigarettes sur l’internet ?
F.G. : En ce qui concerne le tabac, d’une part, le monopole de vente au détail est confié en France à l'administration qui l'exerce, par l'intermédiaire :
1. de débitants désignés comme ses préposés et tenus à droit de licence au-delà d'un seuil de chiffre d'affaires réalisé sur les ventes de tabacs manufacturés,
2. des titulaires du statut d'acheteur-revendeur, lesquels sont agréées par la direction générale des douanes et droits indirects et exploitent des comptoirs de vente ou des boutiques à
bord de moyens de transport et ne vendent qu’aux seuls voyageurs titulaires d'un titre de transport, ou
3. de revendeurs qui sont tenus de s'approvisionner en tabacs manufacturés exclusivement auprès des débitants.
D’autre part, la loi dispose très clairement que la commercialisation à distance de produits du tabac manufacturé est interdite en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer. Ce qui revient à une interdiction de principe de la vente de tabac sur l’internet.
En ce qui concerne l’alcool, l’achat d’alcool sur l’internet est légal. Il faut toutefois préciser que si le site web vendeur est situé à l’étranger, l’importation en France d’alcool donnera lieu à l’application d’une taxe indirecte appelée « accise », payable au moment de l’arrivée sur le territoire français.
I.P. : Certains cybercommerçants mettent en avant leur soumission à des codes de conduite ou l’obtention de labels « qualité ». Que prévoit la loi à ce sujet ?
F.G. : Le Code de la consommation prévoit que tout professionnel prestataire de services doit communiquer au consommateur qui en fait la demande les éventuels codes de conduite auxquels il est soumis, l’adresse électronique à laquelle ces codes peuvent être consultés ainsi que les versions linguistiques disponibles.
Il convient également de préciser à nos lecteurs que ce même code répute trompeuse la pratique commerciale consistant, pour un professionnel, à se prétendre faussement signataire d’un code de conduite ou encore d’afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire. Le consommateur pourra obtenir la nullité du contrat qu’il aura conclu après avoir été trompé et donc le remboursement des sommes versées, étant précisé qu’une telle pratique est réprimée pénalement.
Interview de Frédéric GUENIN, avocat publiée pour la première fois dans Internet Pratique n°130 d'avril 2012
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