Doctrine Juridique |
Internet Pratique : Puis-je mettre sur Facebook, une photo de famille datant des années 80 ? Faut-il que j’obtienne l'autorisation de ceux qui y figurent ?
Maître Frédéric Guénin : Le principe est que toute personne a droit au respect de sa vie privée. Une jurisprudence constante se fonde sur ce principe, énoncé par le Code civil, pour consacrer le "droit à l’image", c’est-àdire le droit exclusif de s’opposer à toute utilisation et donc diffusion de celle-ci sans son autorisation. Par conséquent, il faudrait que vous demandiez l’autorisation des personnes présentes sur la photographie (même si vous y figurez également) ainsi que celle du photographe si la photographie présente un caractère original (c’est-à-dire qu’elle est protégée par le droit d’auteur). La réponse dépend également du paramétrage du compte de la personne diffusant la photographie. Il va de soi que la situation varie grandement entre celle de la personne qui diffusera la photographie à un "groupe d’amis" constitué des seules autres personnes photographiées et celle de la personne qui aura diffusé la photographie à l’ensemble des inscrits sur le site de réseau social, avec tous les paramétrages intermédiaires possibles que ce type de site permet.
IP : Puis-je numériser d’anciens vinyles, de musique classique par exemple, et vendre les CD ainsi confectionnés sur une brocante ?
FG : En préambule, il faut distinguer entre les droits d’auteur et ce que l’on appelle les "droits voisins" (du droit d’auteur en l’occurrence), dont le grand public est moins familier. Si les partitions et livrets sont l’oeuvre d’auteurs encore vivants ou décédés depuis moins de 70 ans, vous commettrez un acte de contrefaçon de droits d’auteur. Dans le cas contraire, vous pouvez vous rassurer : les descendants de Mozart, Beethoven et autres Bach ne pourront pas vous poursuivre. Une fois tranchée cette question, reste celle des droits voisins et, notamment, ceux des artistesinterprètes et du "producteur du phonogramme" qui est la personne qui a pris l'initiative et la responsabilité de la première fixation de la séquence de son. Or, la durée de leurs droits patrimoniaux est de 50 années à compter du premier janvier de l'année civile qui suit celle de l'interprétation pour les artistes-interprètes et de la première fixation de la séquence de son pour les producteurs de phonogrammes. Cette durée de protection pourrait ne pas être expirée, même pour de vieux vinyles. Ce qui aurait pour corollaire que ces personnes ou leurs ayants droit vous poursuivent dans le cadre d’un procès en contrefaçon. En conclusion, sauf pour de très vieux vinyles sur lesquels plus personne ne pourra faire valoir de droits de propriété littéraire et artistique, il est préférable de ne pas se livrer à un tel commerce illicite.
IP : Peut-on reprendre les musiques que l’on a enregistrées sur des cassettes audio à partir d’émissions de radio dans les années 1980 et les diffuser librement sur Internet pour créer, par exemple, sa propre radio ?
F.G. : Vous êtes décidément très années 80… Plus sérieusement, votre question appelle une réponse en deux temps. Il ne fait pas de doute que l’enregistrement de ce qui est ou a été diffusé par les radios sur des cassettes audio est libre, mais exclusivement dans le cadre de l’exception de copie privée, de même que l’est sa diffusion dans le cadre du cercle de famille (voir à ce sujet Internet Pratique n°126). En revanche, vous ne pouvez pas les diffuser au public des internautes sans auparavant vous mettre en règle avec les différents ayants droit.
Article publié pour la première fois dans la revue Internet Pratique, n°127, janvier 2012
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