Doctrine Juridique |
Windows & Internet : Suis-je un « pirate » si j'utilise un site qui permet de récupérer des vidéos diffusées légalement à partir d’un site de partage en ligne ?
Maître Frédéric Guénin : En droit français, le site qui permet de récupérer les vidéos, dont il ne détient pas les droits nécessaires, commettra lui-même un acte de contrefaçon s’il les stocke pour vous permettre d’y accéder. Si, en revanche, le système proposé permet à l’internaute de copier la vidéo diffusée sur un site de partage en ligne sans la stocker lui-même, on ne saurait lui reprocher une infraction de contrefaçon. C’est ainsi que les sites qui ont succédé à « NAPSTER » qui, lui, copiait momentanément les fichiers échangés, ont procédé pour échapper aux poursuites judiciaires pour contrefaçon. Enfin, si ce site permet un échange pair à pair des vidéos, il n’est pas légal en France.
En ce qui concerne l’utilisateur, le fait de copier des vidéos dont les droits d’auteur appartiennent à des tiers sur des sites qui, normalement, ne permettent que de les lire (« streaming »), est de nature à constituer un manquement aux conditions générales du site de diffusion. Mais, le fait de savoir si elles sont opposables à une personne qui ne se connecte pas au site pourrait être discuté.
Vis-à-vis du détenteur des droits d’auteur afférents à la vidéo, le procédé est similaire, sinon identique, avec celui du magnétoscope. Dans ces conditions, dans la mesure où vous avez réalisé la copie de la vidéo et êtes celui qui l’utilise ensuite, vous pourriez vous prévaloir de l’exception de copie privée. Mais, en réalité, il pourra être discuté de savoir qui, de vous ou du site, est celui qui a réalisé la copie. S’il était conclu que c’est le site, vous seriez, avec lui, contrefacteur. Dans le cas inverse, vous échapperiez à cette incrimination. Mais, attention, si vous rediffusiez cette vidéo, vous commettriez, dans ce cas, un acte de contrefaçon.
Windows & Internet : J’ai acheté un documentaire en vidéo sur un site d’archives, tel celui de l’INA, puis-je en faire profiter mon entourage ?
Frédéric Guénin : Tout dépend de ce que l’on entend par « profiter » et « entourage ». Le principe est simple : vous pouvez regarder le documentaire avec d’autres personnes si vous ne faites pas payer la séance et si le public est constitué du « cercle de famille », ce qui inclut la famille et les amis très proches. Si la copie du fichier vidéo est techniquement possible, vous pouvez la copier sous réserve que cela soit ensuite vous qui l’utilisiez. L’usage a toutefois été élargi par les tribunaux à une utilisation familiale.
A l’inverse, diffuser ou rendre accessible la vidéo sur l’internet (à partir d’un site web, d’un logiciel de pair-à-pair ou même par courrier électronique), donner la copie à d’autres personnes, etc. constitue un acte de contrefaçon.
Or, la contrefaçon est un délit pénal sanctionné, au maximum et en théorie, par 3 ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende.
Maître Frédéric Guénin, est avocat au sein du département Propriété intellectuelle & Technologies de l’information du Cabinet Hoche Société d’avocats.
Article publié pour la première fois dans la revue Windows & Internet, n°3, mai 2013
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