Doctrine Juridique |
Pour mémoire, l'amendement Bloche qui conditionnait l'absence de responsabilité des hébergeurs au fait que ces derniers n'aient pas "procédé aux diligences appropriées" s'ils avaient été informés par un tiers de la présence de contenus illicites avait fait l'objet d'une vive contestation pour être finalement censuré par le Conseil constitutionnel.
Aujourd'hui, la responsabilité des hébergeurs du fait du contenu des services qu'ils hébergent ne peut être engagée que si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu (article 43-8 de la loi sur la liberté de communication).
En modifiant le régime de responsabilité des hébergeurs, l'actuel projet de loi sur l'économie numérique (LEN), qui transpose la directive européenne sur le commerce électronique, fait renaître de ses cendres l'amendement Bloche et la polémique qui en a découlé. Son article 2 prévoit de dégager l'hébergeur de toute responsabilité, dès lors qu'il n'a pas "eu effectivement connaissance d'une activité ou d'une information illicite ou [...] connaissance de faits ou de circonstances selon lesquelles l'information ou l'activité illicite est apparente" ou qu'il a "agi prompte-ment pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impos-sible dès le moment où [il a eu] de telles connaissances".
Ce nouvel article élargit donc le champ de la responsabilité civile des hébergeurs, jusqu'à la fonder sur la seule apparence d'un caractère illicite d'une information ou d'une activité. L'IRIS estime que cette disposition signifie l'instauration d'une justice privée, pratiquée par les hébergeurs, puisqu'ils vont devoir décider seuls si tel contenu est licite ou illicite avec tous les risques que cela comporte.
Le projet de loi sera vraisemblablement examiné à l'Assemblée courant février ; d'ici là, l'IRIS appelle à une mobilisation contre cet article.
Régis Carral, avocat associé & Sabrina Bouchin, avocat
Article publié pour la première fois dans la revue Stratégie Internet, n°71, Février 2003
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