Doctrine Juridique |
Windows & Internet : Peut-on revendre un album MP3 acheté sur un site ?
Maître Frédéric Guénin : Cette question est tout à fait d’actualité. En effet, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu possible, par une décision du 3 juillet 2012, la revente d’occasion de logiciels téléchargés. Jusqu’ici le principe était celui de la liberté, pour celui qui avait licitement acquis l’œuvre que constitue le logiciel, de revendre son support physique (disquette, CD…) et donc de transférer le droit d’auteur d’utiliser l’œuvre au sous-acquéreur. Le principe était celui dit de l’« épuisement des droits » du titulaire des droits (l’éditeur). Mais, face à l’évolution du mode de distribution des œuvres, par simple téléchargement, la CJUE a décidé, il faut bien le dire, d’innover. En effet, la plupart des conditions générales des éditeurs prévoient, qu’en cas de commercialisation par téléchargement, le droit d’utilisation de l’œuvre est « personnel et incessible ». Ces stipulations sont désormais sans effet, mais pour les logiciels seulement et sous réserve que la commercialisation initiale ait été faite pour toute la durée des droits d’auteur et que l’acquéreur initial ne conserve pas de copie du logiciel qu’il cède à son tour. La question se pose donc à présent pour les autres œuvres et, notamment, les musiques et films commercialisés en ligne sans plus aucun support. A ce stade, le droit ne permet pas une nouvelle cession de ces œuvres et la personne qui y procèderait se rendrait coupable du délit de contrefaçon.
Windows & Internet : Un moteur de recherche est-il responsable si un annonceur y diffuse des publicités pour des articles de contrefaçon ?
Frédéric Guénin : Il est vrai que l’on constate souvent que, lorsque l’on tape le nom d’un produit ou d’un service dans un moteur de recherche, les publicités qui accompagnent les résultats naturels ne correspondent pas toujours aux sites officiels du titulaire de la marque. Il faut toutefois prendre en compte que certains de ces sites peuvent être ceux de distributeurs autorisés à commercialiser en ligne les produits ou services protégés par la marque. Lorsque l’annonceur utilise la marque d’un tiers pour tenter de commercialiser des produits ou services de contrefaçon ou, même, ses propres produits, il commet un délit de contrefaçon. Mais le moteur de recherche, support de la publicité, ne commet pas, lui, cette infraction. Cette question a été discutée pendant une décennie devant les tribunaux avant que la Cour de Justice de l’Union Européenne ne décide que le moteur de recherche ne faisait pas un usage de la marque et ne commettait donc aucun acte de contrefaçon, sauf s’il a joué un rôle actif ou a contrôlé les données de l’annonceur. Il ne peut alors engager sa responsabilité que si, informé du caractère illicite de la publicité, il ne la retire pas promptement.
Maître Frédéric Guénin, est avocat au sein du département Propriété intellectuelle & Technologies de l’information du Cabinet Hoche Société d’avocats.
Article publié pour la première fois dans la revue Windows & Internet, n°9, octobre 2013
|